Zefiro Torna se penche sur les secrets des canons-énigmes de l’ars subtilior et de la Renaissance. Le code des canons-énigmes se dissimule dans des périphrases cryptiques comme dans la célèbre Ma fin est mon commencement de Guillaume de Machaut. Il se présente sous des formes extrêmement créatives, emblématiques et symboliques: le labyrinthe, la boussole de Cordier, la clef et l’épée de Vaet, l’échiquier de Senfl et Danckerts, ou encore les dés de Josquin.

Le même thème et la même technique ont inspiré J.S. Bach pour l’écriture de sa composition pour orgue Ein kleines Harmonisches Labyrinth et nourrissent toujours des compositeurs contemporains comme Jonathan Harvey, Heinz Holliger et Richard Rijnvos dans l’écriture de ricercares, l’exploration des limites d’un instrument et la construction de music boxes.

Cette série d’énigmes peut être considérée comme une métaphore de la condition humaine. Le labyrinthe, en particulier, fascine les cultures depuis les Grecs anciens en tant qu’expression de la quête existentielle. Au cours du temps, il a pris de nombreuses formes et significations. Pour la religion chrétienne par exemple, contexte dans lequel a été écrite la musique ancienne explorée par Zefiro Torna, il incarne un cheminement à travers les tentations de la vie vers la délivrance ultime. Que pourrait signifier cette quête aujourd’hui ? Comment réconcilier un tel symbole, fondé sur la perspective d’une « issue » unique, avec les philosophies contemporaines relativistes ? Des visions modernes telles que les aphorismes labyrinthiques de Franz Kafka ou les villes impossibles de Jorge Luis Borges, apportent au thème un nouvel éclairage.

Ce thème trouve des résonances dans le travail sur le mouvement développé par ZOO depuis près de dix ans. Thomas Hauert explore la mécanique du corps comme un ensemble de possibilités, de directions, de limites. Un des axes de recherche de la compagnie consiste à mettre en œuvre des systèmes complexes permettant de coordonner un groupe en mouvement. Les danseurs changent de direction, retournent sur leurs pas, encore et encore, dans une quête dont on ne voit ni le sens ni l’issue. Ici, le parcours importe davantage que le point d’arrivée. L’individu trace son propre chemin dans un environnement de contraintes. Mais à l’intérieur des règles qui déterminent en grande partie ses déplacements, il lui reste une part de choix. Dans le travail de Thomas Hauert, cette recherche de mouvement entre liberté et contrainte s’applique simultanément à toutes les parties du corps, à tout moment, dans toutes les directions.

La création puzzled est comme un enchaînement d’énigmes: chaque fois que nous résolvons une énigme, une autre apparaît. Des voix polyphoniques et des caccias instrumentales accompagnent les danseurs dans leur quête intemporelle, qui ne sera peut-être jamais finie.