J’ai conçu cette œuvre, écrit Ravel à propos de La Valse, comme une espèce d’apothéose de la valse viennoise, à laquelle se mêle, dans mon esprit, l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal. C’est une extase dansante, tournoyante, presque hallucinante, un tourbillon de plus en plus passionné et épuisant de danseuses, qui se laissent déborder et emporter uniquement par la valse. Sous la surface brillante, l’orchestre est entrainé par de dangereux courants. La fin est aussi spectaculaire qu’effrayante. La machine s’est enrayée, le temps se disloque, on peine à retrouver le trois temps légendaire. Dans un vacarme terrifiant et dans son dérèglement total, la musique s’effondre sur elle-même. Il ne reste plus rien. Le temps, l’orchestre, la danse et, au-delà, le monde, l’homme, la vie, tout a été englouti… Un des produits les plus puissants de la Première Guerre mondiale, ce « tourbillon fantastique et fatal » peut être vu comme une évocation de la grandeur, de la décadence puis de la destruction de la civilisation occidentale.

La Valse est la musique choisie par Thomas Hauert pour la section finale de Accords. Dans cette partie, les danseurs de ZOO mettent magistralement en œuvre un des principes chorégraphiques développés dans le spectacle : l’« unisson improvisé ». Ils utilisent leur corps comme des instruments: les harmonies, les mélodies, les contrepoints sont traduits, amplifiés ou physiquement déviés par les danseurs. Les rythmes se déplacent de corps en corps pour former des polyphonies captivantes de mouvement. A partir du poème chorégraphique pour orchestre de Maurice Ravel, Thomas Hauert a produit une composition abstraite qui se rapporte physiquement à la musique tout en reflétant sa signification scripturale.